
Publié le 1 novembre 2017
Au cœur de l’habitat des Siona, peuple amérindien d’Equateur
Durant son périple de trois semaines en Equateur, Chloé a passé quelques jours dans la forêt tropicale. Dans la réserve de Cuyabeno, elle a découvert les modes de vie et d'habitat des Siona. Reportage sur le quotidien de cette tribu ancestrale.
Il fait très chaud. Et humide ! Mais, étonnamment, il n’y a pas tant de moustiques que ça. Et pourtant, je me trouve à plus de 10h en bus et 3h de pirogue de Quito, la capitale d’un petit pays d’Amérique du Sud: l’Equateur. C’est dans la réserve de Cuyabeno que j’ai posé mes bagages pour quelques jours. Située dans la province de Sucumbíos, la réserve fondée en 1979 protège environ 6000 km² de forêt tropicale humide dans laquelle vit une biodiversité incroyable. Des communautés indigènes peuplent encore ce territoire, tout en pratiquant leur mode de vie traditionnel. Au nord-est de l’Equateur, il s’agit principalement des Cofán, Secoya, Waorani et des Siona. Accompagnée d’un guide, j’ai eu la chance de pouvoir visiter le village de ces derniers et de découvrir leur quotidien.
Les Siona: qui sont-ils et où vivent-ils ?
Le peuple amérindien des Siona vit depuis des millénaires dans la forêt équatoriale. Les 400 personnes qui forment cette communauté sont réparties dans quelques villages, dont celui de Puerto Bolívar à Cuyabeno. Ils parlent le siona, une langue tucanoane, dont l’écriture a été développée par des missionnaires évangéliques. Les enfants apprennent aussi l’espagnol dans la petite école du hameau.
L’Etat équatorien fournit des aides financières et matérielles aux communautés indigènes. Par exemple, un médecin se rend régulièrement dans le village pour offrir des consultations, vaccinations et contraceptions. Dernièrement, des étangs piscicoles ont été creusés devant chaque maison. C’est l’Etat qui a financé le déplacement d’une tractopelle, nécessaire aux travaux, sur un bateau à travers les rivières de la jungle. Ainsi, chaque famille dispose désormais de son propre élevage et peut consommer autant de poissons qu’elle le souhaite !

Construites sur pilotis, les habitations des Siona sont ainsi protégées des inondations lors des crues de la rivière à proximité. Cette technique permet aussi de préserver le logement d’éventuelles vermines. Enfin, l’espace à l’ombre sous la maison profite aux animaux du foyer, comme les poules et canards destinés à l’alimentation.

Le mode de vie traditionnel des communautés indigènes est menacé. En effet, leur quotidien a été bouleversé en plusieurs occasions en raison de l’exploitation des ressources qui se trouvent sur leur territoire. Pour les habitants de Puerto Bolívar, l’un des problèmes actuels est la présence d’industries pétrolières aux alentours. Ce faisant, des substances toxiques sont déversées dans les rivières et impactent la santé des habitants. Des associations défendent les intérêts de cette tribu, tel que CleanWater qui fournit de l’eau potable aux habitants grâce à un système de récupération d’eau de pluie.
Confection de casabe
Les villageois vivent simplement à Puerto Bolívar et se nourrissent principalement des fruits et légumes qui poussent à proximité des habitations. Comme, par exemple, des bananes, des papayes et des piments. Ils importent aussi du riz en pirogue depuis les grandes villes. Pour les protéines, quelques canards et poulets suffisent, ainsi que les poissons issus des élevages particuliers.
Mais surtout, les villageois cultivent le manioc, dénommé « yuca » en Amérique latine. Cette racine pousse très facilement sous les climats tropicaux. Gladys, une membre de la communauté des Siona, nous a montré comment fabriquer une galette de yuca: le casabe.

Pour cela, on extrait quelques racines du sol en déracinant un ou deux arbustes de manioc. En effet, ce sont les racines que l’on consomme. Mais seulement cuites, puisque le manioc cru est un redoutable poison à cause du cyanure qu’il contient ! Ensuite il faut éplucher les tubercules avant de les râper. Puis la préparation est répartie sur des feuilles de palmier tressées qui permettent d’essorer le yuca une fois enroulées. On obtient alors une farine de yuca qu’il faut tamiser. Enfin, la farine est disposée telle quelle sur un plat en terre cuite qui est chauffé au feu de bois. La recette est ultra simple puisque cette galette est composée à 100% de manioc.
Rencontre avec le chamane du village
Dans les communautés indigènes d’Amazonie, le rôle du chamane est primordial. Pilier du village, il était pendant longtemps l’unique autorité. Aujourd’hui, en Equateur, les habitants des tribus sont des citoyens et participent aux élections de leurs représentants. Cependant, le chamane reste une personnalité centrale pour la communauté.

Le chamane est à la fois le guérisseur et le psychologue des villageois. Il pratique son savoir dans une hutte à l’écart du village, dans laquelle il peut concocter des préparations à base de plantes qui pourront être utilisées comme remèdes. Il connait notamment la composition de l’Ayahuasca (ou Yagé), un breuvage à base de lianes. Cette substance hallucinogène permet d’entrer en transe à l’occasion de certains rituels chamaniques et sert aussi pour des usages thérapeutiques.
La tenue traditionnelle du chamane de Puerto Bolívar consiste en une couronne de plumes de perroquets et d’aras, ainsi que de plusieurs colliers dont un fait en dents de jaguars! Ces accessoires sont précieux et se transmettent de chamanes en chamanes.
Effets du tourisme
Le tourisme dans la forêt tropicale d’Equateur se fait encadré d’un guide expérimenté. En effet, la jungle est impraticable pour les novices et la plupart des communautés souhaitent que les touristes soient accompagnées d’un guide pour visiter les villages.
Concrètement, l’offre touristique est composée de quelques « lodges », plus ou moins luxueuses, éparpillées dans la jungle. Pour s’y rendre, il faut faire plusieurs heures en pirogues. Une fois sur place le dépaysement est total !

La faune et la flore en abondance s’observent très facilement depuis les lodges. De nombreuses espèces de singes, d’oiseaux et d’amphibiens – ainsi que les dauphins roses et les caïmans pour les plus chanceux – sont à découvrir en totale liberté !

Comme nous l’a expliqué le guide, le tourisme est nécessaire aujourd’hui dans la région. Malgré des impacts négatifs, comme la déforestation pour la construction des lodges et la pollution des eaux à cause du manque d’infrastructures d’épuration, il y a aussi des effets bénéfiques.
En effet, il y a quelques années encore, les populations locales et indigènes vivaient principalement du braconnage illégal. Désormais, les recettes du tourisme permettent d’offrir des revenus décents aux habitants, et donc de limiter la pratique du braconnage. De même, les accords entre le gouvernement équatorien et les peuples amérindiens concernant le tourisme dans leurs villages permettent aux touristes de découvrir leurs modes de vie et d’habitat de manière respectueuse.
Plus d’informations sur le site officiel de la réserve de Cuyabeno (en anglais ou espagnol).