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Publié le 27 juillet 2020

La LPPPL au regard de la vente immobilière: quels enjeux?

Depuis plus d’une quinzaine d’années, le canton de Vaud connaît une sévère pénurie de logements, avec, pour conséquence, un nombre faible de logements à loyer abordable. Si les con-séquences qu’entraîne la LPPPL sont bien connues pour ce qui concerne la location immobi-lière, en revanche, ses implications en matière de vente ont moins été abordées. À mi-parcours de l’année en cours, avec l’entrée en vigueur des dispositions relatives au droit de préemption le 1er janvier 2020, l’intérêt de traiter du sujet à travers la perspective de la vente immobilière apparaît avec d’autant plus d’actualité.

Le 12 février 2017, les Vaudois acceptaient à majorité la loi cantonale sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL ou L3PL). Ce texte, qui a pour but de lutter contre la pénurie de logements à loyer abordable, reprenait et simplifiait deux lois existantes, la LDTR et la LAAL. Entrée en vigueur le 1er janvier 2018, la LPPPL vise à préserver le nombre de logements en location dans le canton de Vaud, en permettant aux communes de se doter d’outils pour atteindre cet objectif.

Comme mentionné plus haut, la LPPPL vise à soutenir la construction de nouveaux logements et à conserver un certain nombre d’objets disponibles sur le marché: en d’autres termes, à favoriser le maintien du parc de logements locatifs en limitant la vente de ceux-ci. Cette volonté politique a plusieurs incidences contraignantes pour la vente immobilière.

 

Autorisation d’aliéner: sous conditions, uniquement

 

Pour ce qui est de l’autorisation d’aliéner, à l’exception de cas particuliers, la vente d’un bien jusqu’alors loué est soumise à l’autorisation de la Division Logement de la Direction générale du territoire et du logement (DGTL), comme le prévoyait la loi sur l’aliénation des appartements loués (LAAL). Pour obtenir cette autorisation, l’objet immobilier ne doit pas être compris dans une catégorie dite « à pénurie ». Si l’objet appartient à une telle catégorie, l’aliénation peut avoir lieu pour des raisons familiales ou financières déterminantes. Précisons ici qu’une pénurie est décrétée lorsqu’un district comporte moins d’1.5% de logements vacants.

 

Districts d’application de la LPPPL en 2020

 

Pour l’année 2020, la LPPPL s’applique pleinement dans cinq districts: le Gros-de-Vaud, Lausanne, Lavaux-Oron, Morges et l’Ouest lausannois. Elle s’applique de manière allégée, selon les articles 14 et 21 de la LPPPL dans trois districts: le Jura-Nord vaudois, Nyon et la Riviera-Pays-d’Enhaut. Finalement, elle ne s’applique pas en ce qui concerne son Titre II (préservation du parc locatif) dans les districts d’Aigle et de la Broye-Vully.

Soulignons ici que les dispositions du Titre III (promotion du parc locatif) s’appliquent dans tous les districts, sauf sur celles prévues par le droit de préemption (articles 31 à 38 LPPPL), entré en vigueur le 1er janvier 2020 et qui s’appliquent uniquement dans les huit districts touchés par la pénurie.

 

Droits d’emption et de préemption en faveur des communes

 

La LPPPL comprend également le principe de droits d’emption et de préemption en faveur des communes. Ceci signifie que, lors de la mise en oeuvre d’un nouveau plan d’affectation, les autorités communales peuvent décider de convenir, avec les propriétaires de terrains destinés à être portés en zone à bâtir, mais non construits avant un délai défini, d’un droit d’emption leur promettant le droit d’acquérir à des conditions définies en amont. De plus, elles bénéficient également d’un droit de préemption, en vigueur depuis le 1er janvier 2020. Celui-ci ne peut s’exercer que dans le but de construire des logements d’utilité publique (LUP). Ce droit leur permet de se porter légalement acquéreur, par substitution à l’acheteur originel et aux mêmes conditions d’exécution. Pour ce faire, les conditions non cumulatives s’expriment comme suit :

• la parcelle doit totaliser + 1’500 m2
• elle doit se situer dans un centre cantonal reconnu par le plan directeur cantonal et dans un périmètre compact d’agglomération
• la parcelle est attenante à un terrain, propriété de la commune.

En lien avec le droit de préemption, la LPPPL prévoit que les notaires sont désormais tenus d’avertir les communes de chaque transaction tombant sous le coup du droit de préemption. Les autorités communales jouissent alors d’un délai de 40 jours à compter de la vente d’un bien-fonds pour décider d’exercer de leur droit ou non. À noter que, si la commune décide de céder son droit de préemption à l’Etat, alors un délai de 20 jours supplémentaires est prévu.

LPPPL: un bilan en demi-teinte

Nous l’avons compris, la LPPPL s’applique au zonage, influe sur le coût des constructions, le prix des loyers, introduit des demandes d’autorisation pour les rénovations, etc. Le droit de préemption ne concerne que l’aspect le plus symbolique de la LPPPL. Plus de deux ans après son entrée en vigueur, celle-ci n’a bien évidemment toujours pas réglé la question de la pénurie de logements. Par ailleurs, elle a eu des effets avérés dans la complexification des démarches administratives et les délais, à tendance haussière. Côté Gérance, les collaborateurs de Cogestim se sont bien évidemment adaptés à cette nouvelle législation. Au regard de l’implication du texte pour les rénovations de logements anciens, Peter Forster, Directeur et Responsable Gérance, relève que « certains propriétaires ont continué à faire des travaux de rénovations et, par voie de conséquence, des demandes d’autorisation, tandis que d’autres ne l’envisagent plus, freinés par le caractère bureaucratique de la demande d’autorisation pour les travaux qui vont au-delà de l’entretien pur. » En d’autres termes, on observe que l’adaptation à ces nouvelles exigences s’est faite au détriment de l’économie, puisque certains travaux situés dans les districts dits « à pénurie », n’ont pas été entrepris par les propriétaires. Un autre constat que met en avant Monsieur Forster est l’inadéquation des dispositions légales en matière de calcul du taux de pénurie (moyenne sur trois ans) face à l’évolution d’un marché qui connaît rapidement de nettes fluctuations, en citant pour exemple Payerne: ce district connaissait une situation de pénurie il y a quelques années, mais l’actuelle situation de vacance locative, au vu de la fièvre bâtisseuse qui s’était emparé de la région, était perceptible et prévisible bien avant que le district soit sorti officiellement de la situation de pénurie . En effet, l’abondance de l’offre et la demande en baisse ont régularisé le marché locatif bien avant que la région ne sorte du champ d’application de la LPPPL. Aujourd’hui, la vente comme la location immobilières se trouvent face à une loi relativement contraignante, qui n’amène pas forcément les bénéfices escomptés par ses initiateurs.